Nous devions retourner en Zambie en mai 2020, mais un évènement planétaire a stoppé net tous les flux migratoires…
Début octobre 2020, en pleine crise du Covid, les frontières de la Zambie, où notre véhicule nous attend depuis 11 mois près de Livingstone, s’ouvre de nouveau au tourisme. La loi Zambienne n’autorise pas aux véhicules étrangers de rester plus d’un an sur son territoire, nous devons donc organiser rapidement notre retour en Afrique pour régulariser notre véhicule avant que les frontières françaises ne se referment, ce qui arrivera fin octobre.
Trouver un vol vers Livingstone en Zambie, n’est pas simple. Quatar Airlines qui devait assurer notre retour en Zambie en mai dernier, avait annulé son vol et ne couvre plus l’Afrique à ce jour.
Difficile de trouver un vol qui ne passe pas par Londres où nous devrions subir une quarantaine, même pour un transit de quelques heures ! La Haute-Savoie passe en zone rouge et nous ne pouvons plus partir de Genève, nous assure l’agence de voyage. Faux, un coup de fil à l’aéroport de Genève, nous confirme que nous pouvons embarquer, puisqu’il s’agit d’un transit. Nous prenons donc rapidement un billet aller-retour indispensable pour embarquer dans ce contexte sanitaire, retour que nous espérons ne pas utiliser. L’agence de voyage essaie bien de nous dissuader de partir. « Trop dangereux… Et, vous n’aurez pas le temps d’obtenir votre visa pour embarquer…» Nous avons juste 36h pour demander et recevoir le e-visa et faire le test PCR nécessaire pour le transit à Nairobi. La Zambie n’exige que le visa ! Nous ne voulons pas reculer le vol pour garantir l’obtention de ce visa au risque d’être bloqués par un nouveau confinement annoncé sur Internet.
Nous ne savons pas pour combien de temps nous partons, si nous allons pouvoir retourner au Botswana et en Namibie où nous avons encore beaucoup de lieux à visiter. Vu le contexte, nous renonçons à la visite du Mozambique : trop de frontières à traverser, trop d’incertitudes quant à l’ouverture des frontières terrestres. Une fois en Namibie, si les frontières se referment nous pourrons y séjourner plusieurs mois, il y a tant à découvrir. Nous avons pris la décision de ramener notre véhicule en France depuis le port namibien de Walwis Bay. Nous avons conscience que c’est notre dernier séjour en terre africaine australe. Nous resterons plusieurs mois en Zambie, s’il le faut, le temps que les frontières s’ouvrent. Les vols touristiques ont repris en Namibie mais les frontières terrestres restent toujours fermées. Pour combien de temps ?
La Zambie possède des parcs animaliers mais ils sont très chers. Nous avons déjà des réservations payées dans des parcs au Botswana et en Namibie, pour lesquelles nous avons obtenu des avoirs, « Corona Credit » que nous espérons utiliser. Pour diversifier nos expériences, nous aimerions aller à la rencontre des populations et séjourner dans des villages. Nous sommes adhérents depuis de nombreuses années d’une association qui oeuvre pour la scolarisation des enfants semi-nomades dans le Nord-Niger. Malheureusement, nous n’avons jamais eu la possibilité d’y aller. A la suite de nos recherches sur Internet, nous avons l’heureuse surprise de découvrir une association française installée en Zambie : Melindika, une Association de Solidarité Internationale Vétérinaire.
Le premier contact avec Victoire est très chaleureux, nous programmons cette visite dès le début de notre séjour.
Quand elle était petite, Victoire voulait être fermière…
En 2016, après son école de vétérinaire, elle réunit ses deux passions, le voyage et l’élevage, et part en mission en Zambie. Elle est contactée par un vétérinaire du Parc National Kafue. Les communautés d’éleveurs qui vivent à proximité du parc ont parfois recours au braconnage pour subsister. Les interactions entre la faune sauvage et le bétail sont fréquentes. Ils partagent points d’eau et pâturages, d’où la transmission de maladies infectieuses qui entrainent des pertes économiques pour les éleveurs, sans oublier celle possible à l’homme.
Elle part avec un ami vétérinaire, 8000 euros en poche et beaucoup de motivation à apprendre des autres. Ils achètent un 4X4, une tente de brousse et sillonnent pendant 6 mois la région pour vivre en immersion dans les communautés qui bordent le parc Kafue.
Victoire tombe sous le charme de cette région et de sa population. Elle découvre une joie de vivre sans faille malgré la pauvreté.
Melindika voit le jour en 2016 avec comme projet le développement rural et le soutien à l’élevage paysan dans les pays du sud, pour permette à ces communautés d’obtenir assez de revenus de leurs activités et ainsi supprimer le recours au braconnage.
Mais que veut dire Melindika ?
C’est la contraction des noms latins de 2 animaux : Le ratel (MELIvora capensis) et son indicateur (INDIKAtor), un oiseau qui lui signale par son chant l’emplacement de ruches sauvages. Une fois que le ratel a dégusté le miel des ruches ouvertes grâce à ses griffes puissantes, c’est au tour de l’oiseau de se régaler de la cire et des larves.
« Cette interaction directe entre deux espèces qui entraîne des bénéfices réciproques s’appelle en biologie le MUTUALISME. Ce principe de mutualisme est une des valeurs clé de notre association et des projets qui en découlent. Coopération entre pays du nord et les pays du sud, entre médecine vétérinaire et médecine humaine, entre élevage et culture ou encore entre développement et conservation »
Victoire Delesalle, fondatrice de Melindika
La présence d’éléphants sur le territoire est problématique. Ils sont protégés par le Parc Kafue, mais viennent détruire les récoltes des éleveurs et transmettre des maladies par la mouche Tse-Tse. Il faut donc concilier des objectifs de conservation, préservation des éléphants, en intégrant des solutions de développement qui correspondent aux attentes et aux besoins des éleveurs.
Victoire obtient du Chef Musungwa, un terrain pour installer son camp de base en échange de soins vétérinaires pour sa population dans un rayon de 60 km. C’est le sous-chef du village de New Ngoma, qui aura le dernier mot pour l’octroi du terrain. Victoire donnera son nom au nouveau camp : Shandavu, en hommage à cet homme qui s’est battu contre un lion venu attaquer son troupeau. Shandavu signifie « celui qui arrive à survivre à un lion ». C’est de bon augure pour la réalisation de son projet…
Elle embauche une soixantaine d’artisans des villages alentour pour construire les infrastructures du camp dans les traditions locales.
Le bar est une grande pièce commune, où l’on cuisine à même le sol, sur un feu central alimenté en permanence, avec un petit coin salle à manger et salon. Nous partageons nos repas en compagnie de Bailey et Noah récemment arrivés à Shandavu pour un contrat de 2 ans.
Ce camp propose des bungalows et 2 emplacements ombragés de camping pour les touristes. L’eau potable provient d’un forage.
Dès notre arrivée dans ce camp de brousse nous partageons la vie de Victoire. Nous partons pour une petite croisière au coucher du soleil sur le lac d’Itezhi-Tezhi qu’elle avait organisée pour la venue de sa soeur en Zambie. Nous finissons la soirée chez des amis italiens de Victoire, à Konkamoya Lodge, où elle entrepose ses vaccins dans leur congélateur. Depuis notre passage, Shandavu Camp possède un frigo solaire pour la conservation des vaccins.
Shandhavu camp c’est aussi une ferme africaine avec des chiens, des poules, des cochons et des chèvres en liberté.
Avec Victoire nous découvrirons la vie traditionnelle des tribus Ilas et Tongas. Les Ilas sont un peuple d’éleveurs traditionnels, ils ont de grands troupeaux de vaches qu’ils emmènent pâturer toute la journée et qu’ils parquent la nuit pour les protéger des lions. Les Tongas, davantage agriculteurs qu’éleveurs, ont une production diversifiée, coton, tournesol, cacahuètes, maÏs, alors que les Ilas pratiquent une monoculture du maïs. Nous l’accompagnerons pour les campagnes de vaccinations, assisterons à la visite des ruches. Comme la saison des pluies approche, les labours se préparent. Nous visiterons aussi un village de pêcheurs…
Sur la Chefferie de Musungwa, Victoire a développé dans un premier temps le Projet Communautaire Vétérinaire pour la santé animale. Outre les soins au bétail, Victoire sensibilise les éleveurs à la bienveillance envers les animaux notamment avec les chiens et les ânes. Dans chaque village elle a choisi une personne et a assuré sa formation en tant qu’assistant en santé animale pour les soins au bétail. Les vaches tiennent une place très importante pour ces peuples dont c’est la principale richesse. Quand on a besoin d’argent, on vend une vache…
Aujourd’hui les 5 assistants en santé animale sont devenus pratiquement autonomes et assurent les campagnes de vaccination pendant que Victoire, en France prépare les prochains projets de développement, notamment la gestion des éléphants avec les cultures et, à la demande des éleveurs de la chefferie de Musungwa, le développement visant à soutenir la filière lait bovin local, en partenariat avec l’ONG Elevages sans Frontières.
Lors de notre passage le Programme Conservation et Développement auprès des écoles commençait sous la responsabilité de Bailey, assistée par Catherine Namaala, couturière du village de Basanga.
200 élèves suivent des cours d’éducation à la préservation de l’environnement. Ils sont allés faire un safari dans le parc Kafue où ils n’étaient jamais allés pour découvrir l’activité économique touristique dont ils pourraient tirer profit.
Ils ont planté des arbres fruitiers autour de leurs écoles et construit des poulaillers scolaires afin de consolider le lien entre l’être humain et la protection de la nature et de leur apporter un complément de nourriture nécessaire à un bon apprentissage.
Une ceinture de ruches a été installée devant les champs de maïs pour les protéger des éléphants qui causent beaucoup de dégâts. Leur trompe et leurs oreilles sont très sensibles aux piqures d’abeilles.
A notre passage le club d’apiculture démarrait. Depuis 18 ruches sont installées et les 114 kg de miel récoltés ont été vendus aux établissements touristiques du parc de Kafue afin de valoriser le travail des femmes et de recréer du lien entre tourisme et communautés. Chaque ruche pourrait produire jusqu’à 40kg de miel par an.
Il y a 6 employés à Shandavu camp qui travaillent par équipe de 2 pendant 4 jours, puis, Ils rentrent chez eux pour 2 jours.. A la demande des employés tout ou une partie du salaire est versée en espèces et l’autre partie sur un compte à Itezi-Tezi pour les études des enfants ou autre besoin. C’est l’occasion de parler de leur travail et de leur souhait. En 2020, ils ont demandé un uniforme qui leur a été offert. Ils aimeraient avoir plus de congés payés comme tout le monde, et souhaitent la construction d’une quatrième chambre. Au début il n’y avait que 2 chambres, puis 3. Pour la construction d’une maison supplémentaire 500 € sont nécessaires. Myriam a sa propre chambre. Les 5 hommes doivent se partager les 2 chambres restantes pour le moment. L’année prochaine peut-être ?
Pendant la saison des pluies l’équipe locale est autonome. Le personnel de Shandavu reste au camp par roulement pour s’occuper des animaux. Victoire et le personnel international rentrent dans leur pays respectif et effectuent du travail administratif. La nourriture et les médicaments sont achetés en amont pour 4 mois pour les animaux et les employés. Le camp n’est jamais envahi d’eau car il est surélevé. Catherine Namaala qui travaille avec Bailey pour la sensibilisation dans les écoles continue les formations pendant la saison des pluies.
Quand Victoire revient en mai, c’est la saison sèche, elle peut aller facilement à Lusaka la capitale. Elle relance les projets pour le cycle suivant d’investissement et de développement.
Pendant 5 ans Victoire passait 9 mois par an à Shandhavu camp, maintenant elle délègue beaucoup plus sur place. Ses séjours se limitent à quelques mois par an.
Le but de l’association est d’accompagner les ruraux sur des projets pendant 5 ans avec pour finalité de les amener à l’autonomie. C’est un renforcement de capacité et non un assistanat au long cours.
Elle a formé des responsables pour encadrer chaque activité pour que les projets mis en place dans les communautés soient gérés par les acteurs locaux. Le premier projet mis en place, Projet Communautaire Vétérinaire sera en autonomie totale vers 2024.
Après 5 années de vie en immersion au sein des communautés, Melindika a prouvé sa vraie valeur ajoutée : une connaissance fine des problématiques locales et un profond respect des populations.
Victoire prévoit de garder ce camp toute sa vie et d’y retourner avec ses enfants. Le terrain lui a été offert par le chef des communautés de Musungwa.
Nous vous recommandons vivement un séjour dans cette ferme africaine.
Victoire vous proposera diverses activités pour découvrir les communautés environnantes. Vous pourrez l’accompagner lors de ses visites vétérinaires. Elle peut organiser la visite d’un village de pêcheurs avec un guide local, la visite de l’orphelinat des éléphants dans le parc de Kafue, une croisière en bateau sur le lac au coucher du soleil…
Nous avons tellement aimé cet endroit avec l’accueil chaleureux et attentionné de Victoire que nous y sommes retournés avant de quitter la Zambie. Les communautés sont restées à l’écart du tourisme. Ils aiment être photographiés sans aucune compensation financière. Les enfants ne demandent rien. Ne leur offrez pas de stylo, de bonbon ou de l’argent. Votre participation financière pour le séjour dans le camp profite aux communautés. Nous avons contribué à la vie du village en faisant travailler la couturière, en engageant un guide local pour la visite du village de pêcheur… Nous vous en reparlerons dans un prochain article…
Nous avons fait des tirages A4 des portraits réalisés dans les villages de la chefferie de Musungwa. Victoire leur offrira à son prochain séjour en Zambie.
pawhut
Shandavu camp, pas très connu des touristes mais magnifique ! Merci d’avoir mis en valeur ce lieu si extraordinaire
DELBOS Marianne
Nous étions à Shandawu Camp en septembre 2018, sur l’aire de camping durant 3 jours. La 1ère chambre en était aux « fondations ». Quelle magnifique réalisation que celle de Victoire à Shandavu ! Et surtout quel bonheur de suivre les évolutions constantes qu’elle réussit à faire pérenniser sur place. Bravo et bise à elle. Et bravo à tous ceux qui s’investissent sur place. Et merci pour ce très très beau reportage. Marianne et François
Mahieu
Nous sommes passes a iteshi -tetshi et avons cherche apres Shandavu camp : personne ne connaissait pas meme les gardes a l entree de Kafue a Ngoma , aucune pancarte visible .Bref , nous avons renonce a vous trouver malgre l envie de decouvrir votre association qui semble tres discrete !
Delesalle Victoire
Quelle joie de découvrir cet article près de deux ans après votre passage au camp!
Je suis très émue et très touchée à sa lecture. Vous avez su retranscrire l’adn de shandavu camp et les valeurs de Melindika à la perfection. Merci pour ce beau retour.
Nous gardons tous un super souvenir de votre séjour au camp, entre notre croisière sur le lac, notre préparation des écrevisses et nos moments de partager autour du feu.
Un grand merci pour ce témoignage ainsi que les toutes ces magnifiques photographies que vous mettez à disposition de l’association.
Vous serez bien évidemment toujours les bienvenus à Shandavu camp!
Victoire
Jocelyne
Ça fait du bien , cet ailleurs, ces couleurs, ces projets pleins d humanité, MERCI
Milke
Bonjour Marion & Daniel,
Quel plaisir d’avoir de vos nouvelles et quel beau reportage vous nous avez offert.
Nous nous réjouissons déjà beaucoup de suivre la suite de vos aventures.
Amitiés de Milke
SANCHEZ
une belle échapée vers l afrique le temps d une lecture! merci pour ce moment..
CHRISTIANE M.
Quel plaisir d’avoir à nouveau de vos nouvelles !
Et de découvrir l’oeuvre de Victoire dans cette région du monde où se créent des liens bienveillants entre la nature, les hommes et les animaux. Sauf les documentaires purement animaliers, en Europe on a souvent de l’Afrique une vision déformée par les médias qui privilégient les informations de guerre, corruptions et autres violences. Votre reportage est vraiment très utile et j’irais bien faire un tour du côté de Shandavu Camp !
Merci.
ARNAUD SYLVIE
Quelle belle leçon de vie !
Heureuse d’avoir de vos nouvelles et de lire votre aventure en Afrique.
À bientôt
Béatrice B.
Un immense MERCI pour ce rapport détaillé de la ferme de votre amie Victoire! Cet endroit a l’air fantastique et tellement bien organisé. Bravo pour l’investissement de Victoire +++
A mitiés